- Stockage de l'onduleur
- Tentative de réanimation
- Examen plus approfondi
- Remplacement de la batterie
- Le choix de Sophie
- La solution de facilité, vraiment ?
- Évolution personnelle
- Des conséquences
- Conclusion
Spoiler
J'ai juste changé la batterie, désolé de vous avoir appâté. Néanmoins, je m'intéresse ici au(x) cheminement(s) des pensées qui trouvent leur origine dans la perte d'un de mes onduleurs.
Stockage de l'onduleur
Je dispose de plusieurs onduleurs, tous de marque Eaton (qui me donne satisfaction depuis une quinzaine d'années), pour protéger une partie de mon équipement des coupures de courant, des variations de tension, et/ou de la foudre.
J'ai stocké l'un d'entre eux, le tout premier que j'avais acheté il y a près de quinze ans, plus longtemps que je pensais le faire. Il s'agit d'un Ellipse MAX 600 USB (qui n'est plus produit). Rangé dans le garage, batterie pleine, à l'abri de la chaleur et de l'humidité, je pensais avoir pris toutes les précautions possibles pour qu'il me suffise de le rebrancher le moment venu pour qu'il fonctionne comme il l'a toujours fait.
Il est resté ainsi débranché, dans le garage, pendant une durée comprise entre un et deux ans. Ce n'est que récemment que je lui ai trouvé un nouvel usage. Je m'attendais à ce qu'il ne s'allume pas immédiatement après avoir été branché au secteur : il est indiqué dans le manuel qu'après une longue période de stockage, il fallait le brancher, attendre 24h que la batterie se charge, avant de pouvoir s'en servir. Par contre, je pensais qu'en le branchant, je pouvais au moins diagnostiquer la batterie. Malheureusement, l'onduleur ne réagit à rien : le bouton principal ne produit aucun effet, aucune LED n'est active, pas le moindre signal audible, rien ; il semble mort. Le manuel indique également que dans ce genre de cas, il faut contacter Eaton pour le remplacement de la batterie.
Tentative de réanimation
Pendant la journée suivante, je l'ai branché sur une prise de mesure de consommation énergétique : s'il recharge la batterie "silencieusement", je pourrais le voir de cette façon. Mais là encore, rien y fait : sa consommation est nulle, le "décès" est prononcé. Un rapide coup d'oeil sur les batteries de remplacement m'indique que c'est plus rentable (et beaucoup moins écologique) de racheter un nouvel onduleur, d'autant que depuis que je l'ai acheté il y a quinze ans, on trouve des modèles plus performants, plus compacts et moins chers.
En effet, le tarif "officiel" situe la batterie dans les 75 euros. Autant rajouter quelques euros, et j'ai un onduleur neuf (le 3S 850). Certes, il est un peu moins haut de gamme : son aspect de multiprise le destine à un usage domestique plus que professionnel contrairement à l'Ellipse MAX 600, mais outre sa puissance plus importante (et donc sa meilleure autonomie), il offre deux alimentations USB-A (pratique pour alimenter le Raspberry Pi 0W qui me servira à le surveiller via nut). Commandé, reçu et installé en deux jours. J'en suis pleinement satisfait.
Examen plus approfondi
J'ai eu alors l'idée - tardivement, j'assume - de sortir la batterie pour la tester : d'abord avec mon voltmètre, histoire de vérifier que c'est bien simplement une question de batterie à plat, et ensuite avec un chargeur externe (pour batterie au plomb, attention à ne pas charger une batterie lithium avec ce genre de chargeurs...). Évidemment, le voltmètre confirme que la batterie est vide, et le chargeur qu'elle est définitivement hors d'usage. Je précise au passage que son aspect extérieur est impeccable : je ne me serais pas risqué à faire ces manipulations - simples, outre mesure - avec une batterie acide-plomb qui aurait fuité et déformé le boîtier...
À ce stade, il me semble pertinent de préciser que je ne fais pas partie des gens qui utilisent des consommables "compatibles". Si j'achète une imprimante Brother, je n'achèterai que des consommables Brother. Pour moi, ça fait partie du contrat social entre moi et le fabriquant : à moi de distinguer qui se fout de la gueule de ses clients et qui les respecte, mais dans le principe, si je veux que mon équipement fonctionne tel que son fabriquant me l'a vendu (selon les spécifications du produit que tout consommateur est censé consulter avant achat...), et si je veux pouvoir râler en cas de défaillance, je dois utiliser les consommables fournis par le fabriquant. Donc, si j'ai un onduleur Eaton, je veux une batterie Eaton.
Il se peut que la batterie soit très spécifique, de sorte à pouvoir fournir à l'onduleur (et accessoirement, aux appareils branchés dessus) tout un tas d'informations intéressantes, qu'il ne serait possible d'obtenir qu'avec une batterie particulière, "communicante" pour ainsi dire.
Or, à ma grande surprise, la batterie n'est pas produite par Eaton (contrairement à ce que leurs visuels laisse à penser, même s'ils ne sont pas "contractuels") mais par B.B. Battery : si je trouvais cette batterie "dans la rue", il me serait impossible de dire qu'elle a été sortie d'un onduleur, encore moins spécifiquement de marque Eaton. Les connecteurs sont standards, les dimensions de la batterie sont vraisemblablement courantes, son voltage (12V, "évidemment") et sa capacité (7ah) sont clairement indiqués.
Remplacement de la batterie
Du coup, je n'ai plus de remords à chercher une batterie compatible. À nouveau à ma grande surprise, mon marché en ligne préféré (Amazon) propose plein de batteries au plomb, mêmes dimensions, même capacité, mêmes connecteurs, à des tarifs très intéressants. Mon choix s'est porté sur un modèle à moins de 18 euros.
À noter que j'aurai peut-être pu choisir une batterie de capacité supérieure, mais je crains que l'onduleur ne soit pas capable de le déterminer, et que les valeurs obtenues via nut ne s'en trouvent erronées. Dans le doute, je m'en tiens à ce que je sais : 12V, 7ah.
Le choix de Sophie
J'ai estimé que faire un article sur un simple changement de batterie serait intéressant parce que c'est une situation que je rencontre assez souvent : un appareil tombe en panne, dois-je le remplacer ou le réparer ? Je crois que la réponse est plus compliquée que ce qu'un camp ou l'autre veut nous faire croire.
Je n'ai ouvert l'onduleur que parce qu'il ne fonctionnait plus, qu'il n'était plus sous garantie depuis longtemps, que j'en ai acheté un en remplacement, et parce que je le pensais irrémédiablement hors-service. Si une seule de ces conditions n'avait pas été remplie, je n'aurai jamais su que la batterie à l'intérieur était à la fois facile d'accès et remplaçable.
Il m'est arrivé très souvent de me retrouver face à un appareil hors-service ; selon les cas, je fais de l'acharnement thérapeutique, et je finis parfois par dépenser plus d'argent en tentatives de réparations que si j'avais directement acheté un nouvel appareil.
La solution de facilité, vraiment ?
Un autre exemple du même genre concerne ma station météo : j'ai écris deux articles sur son remplacement en janvier. J'y évoquais alors tout le matériel que je souhaitais y intégrer en la montant moi-même, et je réfléchissais aux problématiques de son installation. Au final, le projet reviendrait plus cher qu'une station météo "autonome" avec un petit panneau solaire intégré, comportant tous les capteurs que je souhaitais avoir - ou presque. J'ai donc décidé de partir sur une station météo "prête à l'emploi".
Ce n'est pas qu'une question d'argent, évidemment : je n'aurai pas le plaisir de l'assembler moi-même avec des composants personnalisés, et supportant un firmware que j'aurais moi-même écrit. Par contre, j'arrêterai de me prendre la tête avec la question de l'alimentation ou du boîtier.
Dans chaque situation, on pèse le pour et le contre, même inconsciemment. Souvent, on choisi la facilité, sans penser à long terme : on remplace au lieu d'améliorer ou réparer. Parfois, on veut améliorer ou réparer, mais on n'y arrive pas, pour plein de raisons et pas forcément parce que les constructeurs font de l'obsolescence programmée ou parce qu'ils ne veulent pas que leurs utilisateurs réparent leurs produits eux-mêmes. Les utilisateurs manquent sûrement d'humilité, moi le premier, et je me trouve vexé devant mon incapacité à réparer de l'électronique ou de l'informatique, alors que je m'estime assez "cultivé" dans ces domaines.
Mais en fait, ce n'est peut-être qu'un simple manque de confiance en soi : si j'étais vraiment sûr de moi, je n'aurai pas attendu qu'il ne s'allume plus pour me décider à ouvrir cette simple vis cruciforme et détacher cette batterie de ses connecteurs standards, et j'aurai fourré dans les entrailles de l'onduleur le Raspberry Pi 0W qui doit me permettre de le superviser depuis le réseau. J'aurai dit "merde" à la garantie le jour où je l'ai acheté et je l'aurai exploré dans ses moindres recoins. J'aurai voulu faire partie de ces geeks-là.
Évolution personnelle
Tout cela mis bout-à-bout rend une réparation à 17 euros un peu plus intéressante, en tout cas pour moi.
Remplacer une batterie d'une voiture, même moi je l'ai déjà fait. Sans hésiter, sans avoir peur.
Je suis passionné d'informatique et d'électronique depuis que j'ai cinq ans et je n'ose pas changer la batterie d'un onduleur ? Mais qu'a donc l'informatique de si intimidant, même pour moi qui suis passionné ? Est-ce à force d'entendre les "autres" avoir peur de déclencher une guerre atomique parce qu'ils appuient sur le mauvais bouton ? Est-ce parce que je suis trop respectueux des manuels d'utilisation ? Ou n'est-ce qu'une expression handicapante de mon manque de confiance en moi ?
Évidemment, je pourrais me focaliser sur le fait que j'ai désormais deux onduleurs fonctionnels de plus sur mon réseau, mais en réalité, j'aimerais comprendre mes hésitations afin de ne plus en avoir à l'avenir.
Je crois que, finalement, c'est parce que je connais trop bien l'informatique et l'électronique que j'hésite, aujourd'hui, à tenter la réparation d'un matériel défectueux. C'est contre-intuitif, mais en connaissant toutes les conséquences du changement d'un environnement donné, on fait plus attention à ce qu'on fait. Axiomatiquement, on est plus enclins au risque quand on ignore - volontairement ou non - les conséquences d'une action.
Des conséquences
À une toute autre échelle, ça amène à réfléchir sur notre propre environnement au sens large du terme. Dans un système très localisé, tel qu'un onduleur à usage personnel, une modification improprement conduite mène, au pire, à la mise hors service de l'onduleur (ou à la mort de l'utilisateur...). Dans un système plus général, tel que le climat ou la santé publique, les conséquences du relâchement de CO2 sont dramatiques, et ce n'est qu'après avoir modifié le système (c'est-à-dire, après la révolution industrielle) que nous avons compris les conséquences de ce que nous avons fait. Autrement dit, la révolution industrielle a eu lieu parce que nous ignorions ses conséquences. La même remarque peut être formulée concernant la fusion nucléaire, et virtuellement toutes les inventions humaines.
Ainsi, j'aurais peut-être pensé immédiatement à remplacer la batterie plutôt que l'onduleur si je n'avais pas imaginé les conséquences d'un problème sur le remplacement de la batterie, dont voici une liste non exhaustive :
- connecteurs propriétaires
- dimensions ou forme spécifiques
- voltage exotique
- ancienne batterie qui aurait coulé et irrémédiablement altéré le reste de l'électronique
- dangerosité de manipuler une batterie acide-plomb hors-service
- etc.
Si j'ignorais tout cela, j'aurais fait ce que, sans doute, n'importe qui aurait fait : j'aurais contacté le service client d'Eaton qui m'aurait fait acheter une nouvelle batterie et je l'aurais remplacée facilement et rapidement, sans m'inquiéter des conséquences du remplacement. Au pire, j'aurais râlé si ça n'avait pas fonctionné, mais ça aurait fonctionné.
Conclusion
Savoir nous rend prudents. Ignorer nous rend désinvoltes. Seul le savoir est évolutif, car même s'il nous empêche de réaliser certains objectifs, il nous permet de réfléchir sur nos actions et leurs conséquences. C'est une épiphanie qui peut sembler complexe et très philosophique en regard du présent article sur le remplacement d'une batterie, mais elle est parfaitement valable à toutes les échelles de réflexion : du simple remplacement d'un appareil aux soi-disant innovations technologiques capables de bouleverser une planète entière...
Je suis content d'avoir été confronté à ce choix et aussi de la façon dont j'ai résolu le problème. Mais surtout, je suis content d'avoir pris le temps de réfléchir. Aussi stupide que ça puisse paraître au plus grand nombre, j'ai pris ça pour un voyage initiatique vers le regonflage de mon estime personnelle - en berne depuis deux ans.
J'ai formulé beaucoup de réflexions sur un problème anodin, mais c'est ainsi qu'on s'enrichit intellectuellement.
Et en plus, j'ai deux onduleurs de plus sur mon réseau...