Introduction
Attiré sur Steam par une notification alléchante concernant des promos sur les jeux présents dans ma liste, j’ai longtemps parcouru les suggestions avant de tomber sur un jeu dont j’ignorais l’existence (il faut dire qu’il est sorti début de ce mois de mars 2025), mais qui m’a interpellé par son nom : Two Point Museum.
Bref rappel historique : le studio Two Point est d’abord connu pour Two Point Hospital, successeur - spirituel - de Theme Hospital (des mêmes créateurs) auquel j’ai beaucoup joué il y a un peu plus de vingt ans. Les deux jeux ont été favorablement accueillis par la critique.
Cependant, je suis davantage intéressé par les museums d’Histoire Naturelle que par les hôpitaux. Mais j’aime aussi :
- les jeux de gestion : notamment la franchise Jurassic World Evolution, ou, beaucoup moins récemment et dans un registre un peu différent, l’indétrônable Zoo Tycoon
- les simulations (telle que Dinosaur Fossil Hunter)
Alors, lorsque j’ai vu un jeu intitulé Two Point Museum se retrouve dans ma liste de suggestions, il fallait que je me le procure…
Machine de jeu
Évidemment, j’ai d’abord lancé le jeu depuis ma machine de jeu (Ryzen 9 5900X, 32G de mémoire, RTX3080, Pop_OS!), seulement pour faire face à un chargement interminable. Sans aller jusqu’au gel complet de la machine, il était virtuellement impossible d’atteindre le menu principal du jeu. Changer la version de Proton n’a rien amélioré, pas plus que désactiver l’overlay de Steam.
C’est en regardant plus en détails la page du magasin, espérant trouver une information qui me débloquerait, que j’ai pu voir que le jeu était nativement compatible avec macOS. Je l’ai donc installé sur mon Mac mini M2 8G. Et c’est sur cette machine que je vous propose ma critique, où il tourne plutôt bien : je peux jouer sans problème en 4K, moyennant une concession sur les paramètres graphiques placés sur “Bas”, mais avec le filtre anisotropique activé et avec les filtres de textures les plus élevés.
Avec ces paramètres, le jeu est à peu près fluide, et assez beau. Mais avant tout, il se lance sans encombre, et ça, c’est tout ce qui compte après une soirée de bricolage sous Linux…
Univers et ambiance

Une vue globale des débuts de mon premier musée de paléontologie
Two Point est un studio connu pour son esthétique très personnelle : les personnages humains me font sérieusement penser à Wallace et Gromit, un style qui ne m’a jamais attiré et qui m’a détourné de Two Point Hospital. Il est aussi connu pour un humour omniprésent, et force est de constater que les punchlines sont nombreuses, de même que les situations dans lesquelles les visiteurs se mettent.

Sales gosses !
Finalement, j’ai outrepassé ma réluctance visuelle - qui s’est transformée en une acceptation sincère. Tolérer les visages et la morphologie générale des humains a été la première étape. La seconde, tout aussi compliquée pour moi, a été d’accepter que les dinosaures montrés dans “mon” musée ne seront que des monstres de cartoon : aucune véracité scientifique ici, et compte tenu que la franchise Two Point développe son propre lore et sa propre iconographie, c’est tout à fait approprié.

J’ai fini par me faire à l’esthétique particulière du jeu
La dernière étape d’acceptation s’est produite en entendant la “petite voix” du musée (que je suis certain de reconnaître du film Jurassic World sans pour autant en avoir confirmation) faire ses annonces à intervalles réguliers. Subitement, cette esthétique et ce manque de réalisme avaient du sens : Two Point Museum est très sérieusement un jeu impertinent (ou l’inverse).
L’humour cynique permanent me rappelle que j’ai acheté un jeu détente et non un jeu destiné à donner à manger à mon cerveau. Et ça m’a fait porter un oeil complètement différent sur ce que je croyais “naïvement” n’être qu’un jeu de seconde zone.

Les sous-titres me permettent de vous partager l’une des nombreuses phrases d’accroches de la “voix” du musée
En vérité, je trouve à Two Point Museum une beauté à la fois technique (les éclairages sont maîtrisés, les modèles 3D font un peu “jouet en plastique” et c’est voulu) et visuelle (on nous montre un monde cohérent, coloré, saturé même, mais plausible).
Il en ressort une atmosphère de jeu des années 2000 mais modernisé.
Impertinent, cynique, mais jamais vulgaire. Coloré, arrondi, mais adulte.
J’avais beau “savoir” à quoi m’attendre, je ne m’attendais pas à aimer des caractéristiques particulières.
Gameplay et mécanique
Le joueur est mis à la tête de plusieurs musées très différents au cours de sa campagne introductive. Pas moins de cinq musées sont à découvrir dans des circonstances parfois très… surréalistes, et pour progresser, il faudra les amener chacun à être le meilleur musée du coin, dans leurs domaines respectifs.
On commencera par un musée de paléontologie, avant de remettre à flot un musée de l’ésotérisme, un aquarium, et d’autres musées plus… originaux.
L’objectif est évidemment de faire de nos musées les plus beaux et les plus riches de collections, tout en assurant le bonheur à la fois du personnel et des visiteurs.

La fenêtre de gestion des spécimens nous offre la liste détaillée de nos expositions
Le lancement de la première partie se fait bien vite, et nous sommes accompagné d’un personnage qui connait les ficelles du métier, et qui nous mentore au long de notre découverte du jeu. À force de jouer à des jeux comme ARK: Survival Evolved ou, dans un tout autre registre, Dwarf Fortress et RimWorld, j’avais oublié que, parfois, une bonne campagne tutoriel avait ses qualités.
Je note d’ailleurs que la prise en main est académique : sans avoir besoin de consulter la page listant les raccourcis claviers, chaque touche fait ce dont on a l’habitude, ce qu’on attend d’elle. La prise en main est très intuitive.
Grosso modo, pour développer votre musée, il va falloir équiper des expéditions qui devront ramener les spécimens qui seront exposés dans votre musée. Ces expéditions vont réclamer du personnel spécifique, avec des compétences spécifiques, et il faut noter une part de hasard dans ce que l’expédition va ramener. Pourtant, rien n’est rédhibitoire, rien ne peut fondamentalement échouer. Le jeu est valorisant, et cela en fait un jeu feel-good, surtout quand combiné aux commentaires en voix-off qui valent leur pesant de hot-dogs.

Une des cartes des régions à explorer en expédition, seulement partiellement découverte. Chaque région offre ses propres challenges et ses propres récompenses
Si le concept des expéditions a semblé fade et inintéressant dans Jurassic World Evolution 2, Two Point Museum parvient à gommer cet effet par trois moyens principaux :
- Une expédition se prépare avec un choix de personnel (comme JWE2) mais aussi avec des objets de soutien à fabriquer en amont de l’expédition.
- Un évènement pseudo-aléatoire peut survenir au cours de l’expédition, exigeant du joueur qu’il fasse un choix, ce qui dynamise la valeur du gain.
- Enfin, la fin d’une expédition est probablement ce qui fait le plus avancer le musée dans sa globalité : certes, le retour des marchandises est un peu comme recevoir un cadeau à Noël, mais il faudra parfois compter avec les blessures ou les maladies auxquelles les membres de l’expédition auront été confrontés.

L’écran de préparation d’une expédition. Chaque expédition a ses propres dangers (qui peuvent varier en fonction de la saison)
Ces marchandises ne seront pas forcément exposées : certaines pourront être vendues, d’autres pourront être démantelées pour en extraire des bonus à appliquer aux spécimens déjà exposés. Autrement dit, il y a beaucoup de choses à découvrir et à faire pour que le musée voie son “buzz” augmenter, et c’est une excellente chose pour quelqu’un qui a peur de s’ennuyer.

Une bien belle bestiole qui n’a jamais existé !
La campagne d’initiation se déroule de façon didactique - évidemment. Pour faire simple : on vous dit que faire, on vous montre les boutons sur lesquels appuyer, les annonces de la voix du musée vous orientent sur ce que vous devez régler, bref, on n’est jamais livrés à nous-même.
Un système crucial pour le début du jeu, en particulier pour quelqu’un qui n’a jamais joué, ou depuis trop longtemps. Mais un système que l’on peut ignorer complètement et démarrer immédiatement en mode bac à sable, afin que même les connaisseurs puissent profiter du jeu dans son intégralité dès les premières minutes de jeu.
Je dirai donc que la progression est fluide, la courbe d’apprentissage est satisfaisante et que l’on avance dans le jeu avec beaucoup de plaisir et de confiance.
Narration
Je ne suis pas familier du lore de Two Point, mais à ma grande surprise, ce n’est pas un problème. On entre dans l’univers de TPM avec une grande fluidité, et c’est notamment grâce aux interventions de la “voix” du musée, et la radio. Ces deux éléments sonores plantent une ambiance comique et cynique, et nous ancrent dans le monde farfelu de Two Point.
Concernant plus spécifiquement la narration, c’est-à-dire le déroulé de la campagne et de certains évènements, elle sert à la progression du joueur dans son apprentissage. Elle sert son point, sans plus. Ce n’est pas le genre d’histoire que j’aurais envie de développer en lisant en livre par exemple. Néanmoins, elle est faite d’allers-retours, nous offrant l’occasion de revenir s’occuper d’un musée temporairement livré à lui-même, forts de nos nouvelles connaissances acquises avec les musées qui lui ont succédé.
Cela évite à la campagne d’être purement didactique et trop linéaire. C’est son objectif principal, certes, mais elle est construite de telle façon que le joueur n’a pas l’impression de ne faire que suivre un tutoriel. L’implication est réelle et, contrairement à des jeux similaires où les campagnes didacticielles se limitent à des objectifs simples en mettant le joueur dans des situations spécifiques, il s’agit ici de partir de zéro et d’aboutir à un ensemble véritable de musées.
Technique
Quelque chose (mais quoi ?) m’a totalement empêché de jouer sur mon PC de jeu. En revanche, Two Point Museum me permet de jouer confortablement sur mon Mac. Pas la peine que je vous parle de Windows puisque je n’ai aucune machine sous ce système.
À part ce bug rédhibitoire sous GNU-Linux, je n’ai aucun problème à déclarer sous macOS : le jeu est fluide, les temps de chargement et de sauvegarde sont satisfaisants, et je n’ai fait face à aucun problème, ni bug d’affichage. Au contraire, je suis agréablement surpris de la qualité globale du jeu, évidente dans les détails les plus insignifiants.

Les musées - et pas seulement ceux du jeu - fourmillent de vie
Notons que, si l’interface est intégralement traduite en français, je ressens une indicible satisfaction à pouvoir jouer avec la bande son en anglais, avec les sous-titres français.
L’interface dans son ensemble a beau être riche et colorée, elle n’en est pas, à mon sens, bordélique. Certains paradigmes les plus usités sont bien là, et, pour autant que l’on ait l’habitude des jeux de gestion et de micro-gestion, on ne sera pas perdu.

L’interface est colorée, claire et agréable, même si occasionnellement, il manque une info-bulle explicative ici ou là
Bien que, comme je l’ai dis, jouer sur mon Mac mini M2 a dû s’accompagner de quelques concessions sur la partie graphique, je note tout de même que le jeu est parfaitement jouable en 4K sans pour autant devenir moche, en particulier une fois qu’on a rétabli le filtre anisotropique et les textures de haute qualité. J’ai testé en poussant tous les curseurs à fond, et si certains s’accommoderont peut-être de la chute de framerate qui en résulte, ce n’est pas mon cas.

Capture du jeu sur mon Mac mini M2 avec des paramètres graphiques raisonnables…

…et avec les paramètres de qualité maximale, non jouable en pratique.
Mon expérience personnelle
L’humour est omniprésent. On ne parle pas de se taper des barres du début à la main mais plutôt d’une salve continue de soufflements de nez. C’est suffisant pour en faire un jeu feel-good sans devenir lourd, d’autant que je suis très fan du cynisme.
Il n’y a pas que les dialogues qui soient comiques : les situations le sont tout autant, et confèrent un avantage considérable au jeu : on passe en effet un temps certain à observer les moindres recoins de nos musées, en espérant tomber pile au moment où l’un des visiteurs fait une connerie.
Parfois, ils n’ont même pas besoin de faire quoique ce soit pour être drôles : leurs accoutrements sont, par eux-mêmes, des éléments comiques.
Le plus surprenant avec Two Point Museum est sa profondeur insoupçonnée, une locution que vous avez déjà lu ailleurs sur le web à son sujet. En effet, en lançant le jeu, on s’attend à une expérience de jeu mobile, casual, sans prise de risques. Au contraire, Two Point Museum surprend positivement, et offre un contenu riche et une rejouabilité conférant probablement quelques centaines d’heures de jeu au titre.

Tout jeu de gestion qui se respecte se doit d’offrir des statistiques détaillées et TPM ne déroge pas à la règle
De plus, je tiens à souligner la facilité avec laquelle on peut construire, et le soin accordé au placement des différents objets. Souvent, dans les jeux 3D, la liberté accordée au joueur est totale (comme dans Planet Zoo), ce qui, pour quelqu’un comme moi, se révèle désastreux. Parfois, au contraire, le placement est contraint mais désastreux (comme dans JWE). Ici, le placement d’un objet est contraint par divers facteurs, et une “accroche magnétique” permet de - presque - toujours le réussir au pixel près. Ce système est à la fois simple, pratique et valorisant. Il est perfectible, mais ni énervant, ni contre-productif.
C’est d’ailleurs un sentiment permanent : TPM n’est jamais punitif. Sans être trop simple, il est juste, et offre une expérience on ne peut plus satisfaisante.
La combinaison de l’esthétique particulière du jeu et de ses mécaniques simples (même si éprouvées) m’aurait traditionnellement rebuté, compte tenu de mes préférences habituelles (je songe à la complexité assumée de factorio et de Dwarf Fortress ou à l’esthétique cinématique de Jurassic World Evolution). Mais, contre toute attente, l’alchimie proposée par Two Point Museum fonctionne bien, notamment grâce à la variété qu’il propose, et un micro-management discret, pertinent sans devenir prise de tête.
À retenir
Je n’ai encore gratté que la surface du jeu, mais ce que j’en ai vu était vraiment convaincant, largement au-delà de mes espérances. Les possibilités de personnalisation sont variées et esthétiquement plaisantes, observer les visiteurs et le personnel est satisfaisant, et l’humour - bien que britannique - est très accessible.
Techniquement, j’ai particulièrement apprécié de pouvoir avoir les voix originales, tout en disposant d’une interface intégralement traduite en français, qui bénéficie en outre d’un sous-titrage soigné. Cependant, même dans ces conditions idéales, il est parfois difficile, en tout cas pendant la campagne, de se concentrer à la fois sur les évènements importants (tels que le retour d’un explorateur blessé) et sur la radio (pour ne pas rater une miette de ses conneries).
Un mot d’ailleurs concernant les expéditions, que je ne peux m’empêcher de comparer à celles de Jurassic World Evolution : tout est fait pour qu’elles fassent partie intégrante du jeu (notamment en ce qu’elles permettent de s’approvisionner en spécimens) sans être pénible (comme c’était le cas pour Jurassic World Evolution 2). Leur promptitude y est pour beaucoup, mais aussi les interactions occasionnelles qu’elles peuvent déclencher. En effet, le joueur sera occasionnellement amené à prendre une décision qui influencera le court de l’expédition, ses gains et ses pertes. Une manière de casser ce qui ne serait alors qu’un simple aller-retour.
En outre, leur préparation est plus détaillée que dans JWE, où il suffisait que les participants à l’expédition cumulent assez de points. Ici, il s’agira de choisir les participants en fonction de critères plus diversifiés (tels que leurs compétences qui peuvent être inculquées dans une salle de formation), mais aussi les objets emportés. Cela offre une dimension stratégique limitée, mais bienvenue, évitant l’écueil des expéditions routinières et fastidieuses, sans pour autant les rendre rébarbatives.
Conclusion
Two Point Museum est une excellente surprise à tous les niveaux. Propre et bien fini, c’est aussi un jeu “friandise” : derrière l’enrobage de couleurs et de formes adoucies se cache un cœur ferme et fondant à la fois, offrant un shoot de satisfaction et de plaisir qu’un jeu plus sérieux peine à procurer.
C’est un jeu fun, amusant. J’irai jusqu’à dire que c’est la quintessence du jeu qui doit être agréable et plaisant afin d’offrir au joueur un lâcher-prise sur la réalité. Mes jeux habituels, exigeants, complexes, matures et intellectuellement demandants, ont leur utilité. Mais, parfois, ça fait du bien de jouer à quelque chose de décomplexé, chatoyant, pas sérieux.
En cela, et pour tous les autres aspects cités ici et ceux qu’il me reste à découvrir, Two Point Museum est une vraie réussite. Une pépite dont je chéris la découverte, et je me félicite d’avoir eu la flexibilité de me laisser tenter, même hors promotion.