Introduction
J’ai vu les films originaux il y a quelques années, et ils ne m’avaient pas laissé une très bonne impression. En vérité, ils m’ont totalement détourné de l’envie de regarder les séries.
Je les avais trouvés longs et ennuyeux, l’esthétique n’avait pas trouvé grâce à mes yeux, je n’ai éprouvé aucune empathie pour les personnages. Mais, quelques années plus tard, j’ai voulu être un peu plus ouvert, et regarder au moins quelques épisodes de la série originale.
Ma curiosité a été piquée lors d’une conversation avec mon ami Olivier, et confirmée par une discussion avec ChatGPT. Je me suis donc jeté à l’eau, et j’ai fini par binger la série entière (trois saisons) en un peu moins de deux semaines…
Cette séance s’est faite sur Netflix en VOSTFR.
Univers et ambiance
Cadre narratif
Star Trek: The Original Series (abrégée TOS dans les lignes suivantes) est une série américaine créée entre 1966 et 1969 par Gene Roddenberry. Elle est donc antérieure de 11 ans à Star Wars: Episode IV - A New Hope, sorti en 1977, et marque l’un des premiers exemples de science-fiction télévisée à visée humaniste et spéculative.
L’histoire se déroule au XXIIIe siècle, à bord de l’USS Enterprise (NCC-1701), un vaisseau de la Fédération des planètes unies, dont la mission est d’explorer de nouveaux mondes, de découvrir de nouvelles formes de vie et de nouvelles civilisations, et d’aller là où aucun homme n’est jamais allé
.
Cette phrase est tirée du générique original : Space: the final frontier. These are the voyages of the starship Enterprise…
— devenue emblématique de toute la franchise.
L’univers est fictif, mais conçu avec une rigueur suffisante pour établir un cadre cohérent : espèces extraterrestres variées, technologies avancées (téléportation, traducteur universel, ordinateurs parlants…), et une Fédération qui reflète des idéaux politiques d’unité, de paix et de coopération interplanétaire.
Ton et atmosphère
Le ton de TOS est un mélange assumé de science-fiction philosophique, de drame moral, d’aventure spatiale et parfois de comédie légère. La série navigue entre des épisodes sérieux aux thématiques profondes (guerre, racisme, intelligence artificielle, éthique de l’interventionnisme…) et des épisodes plus légers, voire volontairement absurdes.
Le rythme varie selon les épisodes : certains sont très verbeux et contemplatifs, d’autres plus dynamiques, mais la narration reste globalement marquée par les standards télévisuels des années 60 : découpages linéaires, exposition appuyée, et, occasionnellement, des résolutions rapides.
Réalisation et esthétique
La série a été tournée en pellicule couleur 35 mm, ce qui permet aujourd’hui une bonne restauration en HD. L’esthétique est typique des années 60 : décors en studio, fonds peints, costumes voyants, et usage important des filtres colorés pour les effets d’ambiance, notamment en lumière rouge, bleue ou verte.
Les effets spéciaux sont rudimentaires selon les standards actuels, mais innovants pour l’époque (modèles réduits, transparences optiques, effets sonores électroniques). Le design de l’Enterprise, des uniformes et des accessoires (particulièrement le communicateur et le phaser) a marqué l’histoire de la SF.
La musique est omniprésente, parfois intrusive, avec un thème d’ouverture emblématique. La bande-son a été composée par Alexander Courage, dans un style orchestral et dramatique, souvent réutilisée et remixée au fil des épisodes.
La version disponible sur Netflix est celle remasterisée dans les années 2000, avec des effets spéciaux retravaillés numériquement (vaisseaux, planètes…), tout en conservant le charme visuel d’origine.
Personnages et interprétation
Casting
Le trio principal est composé du capitaine James T. Kirk (interprété par William Shatner), du commandant Spock (Leonard Nimoy) et du docteur Leonard “Bones” McCoy (DeForest Kelley). Autour d’eux gravitent plusieurs personnages récurrents : Nyota Uhura (Nichelle Nichols) aux communications, Hikaru Sulu (George Takei) au pilotage, Montgomery “Scotty” Scott (James Doohan) à l’ingénierie, Pavel Chekov (Walter Koenig) à la navigation, et Janice Rand (Grace Lee Whitney), aide de camp du capitaine lors de la première saison. Le casting était audacieux pour l’époque, avec une diversité ethnique notable : une femme noire occupant un poste de responsabilité1, un personnage russe en pleine guerre froide, et un Japonais quelques années après Hiroshima.
Évolution des personnages
La série suit un format essentiellement épisodique, sans véritable fil rouge ou évolution narrative construite sur la durée. Toutefois, certains traits de personnalité et relations entre personnages s’approfondissent au fil des saisons, spécifiquement la dynamique entre Kirk, Spock et McCoy, devenue emblématique.
Narration et structure
Intrigue
Chaque épisode est une histoire autonome, souvent construite autour d’un dilemme moral, d’un premier contact avec une espèce étrangère, ou d’un phénomène scientifique inconnu. L’approche est fréquemment allégorique, la SF servant à interroger des questions humaines contemporaines à la diffusion.
La série adopte une structure relativement classique en trois actes, avec une introduction sur la passerelle, une phase d’exploration ou de crise, puis une résolution, généralement rapide. Il y a peu d’arcs narratifs au long cours, mais plusieurs épisodes sont devenus cultes pour leurs idées novatrices ou provocatrices.
Structure
TOS comprend 3 saisons de 29, 26 et 24 épisodes, pour un total de 79 épisodes. La qualité est inégale selon les saisons, la troisième étant traditionnellement considérée comme la plus faible à cause d’un budget réduit et d’une certaine lassitude des équipes de production. Certains épisodes peuvent être perçus comme des filler, mais la majorité propose des thèmes ou des univers singuliers.
Dialogues et écriture
Les dialogues sont souvent didactiques, mais comportent de nombreuses réflexions philosophiques, scientifiques ou politiques.
Spock incarne la logique froide, McCoy l’émotion humaine, et Kirk l’arbitre entre les deux — ce qui crée des échanges mémorables.
Certaines répliques sont devenues emblématiques, comme Live long and prosper
ou He’s dead, Jim
.
Thématiques abordées
TOS aborde une grande variété de sujets : la guerre et la paix, le racisme, le sexisme, l’intelligence artificielle, l’évolution, la religion, la colonisation, la politique, l’identité, et même la drogue ou la maladie mentale — toujours sous une forme métaphorique ou spéculative. La série est considérée comme l’une des premières œuvres de science-fiction à avoir traité la SF comme un outil d’exploration sociale plutôt qu’un simple prétexte à l’action.
Elle a aussi une portée culturelle importante : premier baiser interracial à la télévision américaine2, représentation positive d’un monde multiculturel uni, vision optimiste de l’avenir de l’humanité, etc.
Mon expérience personnelle
Ce qui m’a marqué
En tant qu’homme hétérosexuel, friand de l’esthétique américaine des années 60, il m’était difficile de ne pas remarquer la beauté des personnages féminins de cette série, dignes des pin-ups de Gil Elvgren. Un certain érotisme, très léger et de bon goût, se dégage de chacune, mis en scène par des costumes et des maquillages parfois très élaborés : visuellement riches et avantageux, ils ne tombent toutefois jamais dans le vulgaire. La flatterie n’est pas que visuelle : toutes ces femmes occupent une part importante de chaque histoire, tantôt d’un point de vue scientifique, d’autres fois d’un point de vue politique, occasionnellement antagonistes directes.
Bien que certains thèmes finissent par devenir récurrents au fil des épisodes, comme la perte du contrôle du vaisseau, voire des facultés physiques ou mentales des personnages principaux, certaines réflexions philosophiques liés à l’exploration spatiale m’ont semblé d’une grande pertinence. Je n’en attendais pas tant d’une série TV des années 60, surtout sur des thèmes aussi contemporains que l’informatique décisionnelle, l’Intelligence Artificielle, le rapport à l’inconnu, au non maitrisé, et même au spécisme. TOS se révèle bien plus intelligente et ancrée dans le réel, même encore selon des critères modernes, que ne l’étaient les films.
Presque sans surprise, Spock est mon personnage préféré d’entre tous. Son implacable logique couplée à sa part humaine qu’il cherche à masquer, sont des éléments qui me confèrent une grande empathie pour lui. Curieusement, bien que McCoy soit beaucoup plus expressif, il complète parfaitement le trio avec Kirk. Ce dernier est d’ailleurs l’archétype du héros, un archétype que j’ai retrouvé pratiquement sans modification majeure dans Knight Rider, série parue deux décennies plus tard. Autoritaire par sa fonction, c’est aussi un bel homme, un charmeur et papillonneur, ce qui ne l’empêche pas d’être juste et loyal (envers son équipe, son vaisseau et la Fédération).
À eux trois, ils nous offrent quelques punchlines, des moments complices, parfois drôles, parfois passifs-agressifs, un peu à la manière de Legolas, Gimli et Aragorn dans Le Seigneur des Anneaux.
Comparaisons
À part Star Wars, je n’ai pas vraiment de point de comparaison, autres que celles déjà formulées dans cet article, et j’aurais préféré éviter de comparer à Star Wars, justement ; j’estime que les deux ne jouent pas dans la même catégorie, et surtout, Star Wars est née plus de dix ans plus tard.
À retenir
Repères culturels
Contexte mondial :
- 1961 : Youri Gagarine devient le premier homme dans l’espace.
- 1966 : Premiers épisodes de Star Trek: The Original Series.
- 1969 : Neil Armstrong marche sur la Lune.
Télévision :
- Perdus dans l’espace (Lost in Space, 1965–1968) : concurrent direct, plus familial et kitsch.
- Le Prisonnier (The Prisoner, 1967–1968) : SF psychologique et paranoïaque, bien plus subversive.
- Doctor Who (1963–…) : déjà lancé au Royaume-Uni, mais encore confidentiel hors de ses frontières.
Cinéma :
- 1968 : 2001: A Space Odyssey de Stanley Kubrick impose un tournant esthétique et métaphysique majeur.
- La Planète des singes sort la même année, avec une approche plus dystopique.
- Star Wars: A New Hope ne sortira que dix ans plus tard, en 1977.
Influence technique :
- TOS innove avec ses effets spéciaux pour la télévision, ses décors en studio modulables, et ses accessoires futuristes (le communicateur inspirera le téléphone portable).
- La série est également pionnière dans son traitement du multiculturalisme, de la politique, du genre, et de la guerre froide, via des métaphores narratives accessibles.
Ce que j’ai aimé
Les questionnements philosophiques sont variés, intelligents et appropriés. Même si l’équipage s’en sort toujours, il passe souvent par des situations difficiles, impliquant parfois des choix moraux cornéliens. Je craignais que la série ne montre une humanité garante de la sécurité de la galaxie, comme si nous étions une espèce supérieure, seule capable de répandre la paix et l’harmonie. Bien que certains épisodes forcent l’Enterprise à jouer ce rôle, le thème principal reste l’exploration et la découverte, sans interférence.
Je l’ai dit, l’esthétique est clairement un atout de la série. Outre l’extraordinaire créativité des costumes et des maquillages, j’aime l’aspect visuel des éléments techniques, quoique pas toujours très réalistes. Par exemple, je suis un grand fan des panneaux de contrôle “soviétiques”, dont je retrouve l’esprit sur le pont de l’Enterprise.
Les épisodes nous donnent à voir quelques uchronies : des planètes de type Grèce Antique, d’autres figées dans les années 30, au far west ou encore dominées par des nazis. J’ai trouvé ces explorations narratives très intéressantes, apportant une certaine variété dans les réflexions intellectuelles vers lesquelles la série nous entraine. Cela lui confère un certain équilibre appréciable, entre des projections de notre futur et sur nos erreurs passées.
Enfin, bien que cela soit encore timide, mais déjà très avancé pour l’époque, je salue l’inclusivité de la série qui a osé bien des choses que d’autres productions de l’époque n’ont même pas envisagé ; et que, parfois, même des productions modernes ignorent encore.
Ce que j’ai moins aimé
Certaines scènes sont très longues. Trop. En particulier, celles faisant intervenir un effet visuel quelconque, souvent psychédélique, avec des flashs lumineux assez désagréables. Rien de rédhibitoire, mais la narration est régulièrement ralentie, ce qui m’a parfois amené à m’assoupir malgré moi.
J’ai regretté l’absence de vraie romance durable. Cela fait partie des éléments qui sont importants pour moi : cela m’implique dans la vie des personnages, suscite un attachement plus fort, génère des émotions (à condition que la narration suive). Dans TOS, il n’y a pas encore d’éléments de ce type. Occasionnellement, l’un ou l’autre des personnages s’éprend d’un personnage extérieur, et cela ne dure que le temps de l’épisode, provoquant une certaine frustration de ma part.
Je ne cherchais pas un soap dans lequel l’essentiel de l’histoire est centrée sur ces relations, mais au moins un équilibre apportant un attachement émotionnel. Un point sur lequel j’estime que LOST a brillamment réussi. En outre, au-delà des simples romances, j’aurais apprécié une amitié moins retenue entre Kirk, McCoy et Spock. On aurait pu apprécier des embrassades viriles, très occasionnelles, par exemple faisant suite à une situation particulièrement dangereuse, montrant l’attachement sincère entre les personnages qui n’est ici que suggéré. Un câlin impromptu donné à Spock aurait été une excellente occasion de rendre la scène touchante et drôle à la fois, un peu comme les rares câlins octroyés par Sheldon dans The Big Bang Theory.
Conclusion
J’ai vécu TOS comme un apéritif : j’ai fini par fortement apprécier l’univers proposé par Roddenberry, parfois au point de creuser certaines curiosités post-visionnage.
Elle ne fera pas partie de ces séries que je regarde pratiquement une fois par an. Mais elle fait définitivement partie de ces séries que je devais regarder au moins une fois dans ma vie.
En vérité, mes discussions avec ChatGPT portent la promesse que ce que j’ai aimé dans la série originale, et ce que j’ai regretté de ne pas y trouver, sera bien présent dans The Next Generation. Donc, si TOS est un apéritif, TNG devrait être le plat de résistance.
C’est ainsi que j’ai conclu mon visionnage : content de l’avoir vue et de m’être imprégné de son univers, afin de sauter à pieds joints dans TNG !
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Nichelle Nichols envisageait de quitter la série après la première saison, mais Martin Luther King Jr. lui aurait personnellement demandé de rester, soulignant l’importance de sa présence comme modèle pour les jeunes afro-américains. ↩︎
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Lors du tournage de Plato’s Stepchildren (saison 3, épisode 10), la chaîne NBC, craignant les réactions racistes du public du Sud des États-Unis, avait demandé une version de la scène sans contact direct entre les lèvres de Shatner et Nichols. Pour saboter ces prises “politiquement acceptables”, Shatner aurait volontairement louché vers la caméra ou exagéré ses expressions, rendant les scènes inutilisables. La production a donc été contrainte d’utiliser la prise avec le véritable baiser. Shatner déclara plus tard que ce fut l’un de ses actes de sabotage les plus délibérés — et assumés. ↩︎