La série suit une bande de nerds dans leurs pérégrinations sociales, au moment où arrive leur nouvelle voisine, "graphiquement optimisée".
De mon point de vue de neuro-atypique, cette série comique est une pépite.
D'abord, parce qu'un large spectre du neuro-atypisme et de l'intelligence est proposé au spectateur : Penny (incarnée par Kaley Cuoco) est la bimbo pas diplômée, neurotypique, passionnée par les chaussures et les cartes de crédit, superficielle et amatrice de beaux mecs, grands, forts et riches.
Elle est, si vous me permettez cette expression, diamétralement opposée à Sheldon (Jim Parsons) : docteur en physique théorique supérieurement intelligent, parfaitement rationnel, d'une culture sans bornes.
Entre les deux, on trouve d'abord Howard - qui n'est qu'ingénieur, Raj - docteur en astrophysique, et Leonard - docteur en physique expérimentale, rejoints plus tard par Amy - docteure en neurobiologie puis par Bernadette, qui va finir par devenir docteure en micro-biologie.
Rien que ce panel de protagonistes nous en apprend déjà beaucoup sur les qualités intrinsèques de la série : le biais sexiste dont les moins tolérants auraient pu se plaindre au début disparaît assez vite lorsque d'une part la complémentarité des profils psychologiques est attestée dès les premiers épisodes, puis d'autre part lorsque Bernadette et Amy intègrent le groupe. Les hommes et les femmes sont sur un pied d'égalité, l'équilibre est juste parfait.
Il faut aussi noter les personnages secondaires, ou en tout cas qui apparaissent moins souvent à l'écran, dont la présence vise toujours à équilibrer les rapports sociaux. Si le ton est donné assez vite en ce qui concerne les oppositions parfois douloureuses entre les intellectuels et les non-intellectuels, le reste de la série va montrer des situations où une symbiose entre les deux "clans" est possible.
Ce qui fait probablement de Penny le personnage principal de la série : sans elle, les contacts entre les brainiacs et les autres n'existeraient tout simplement pas.
Ces personnages secondaires n'en sont pas moins prestigieux : en chair et en os ou simplement en voix-off, le casting de renfort dépote. Le tableau de chasse inclue par exemple Steven Hawking, Stan Lee, Leonard Nimoy, George Smoot, Neil deGrasse Tyson, Buzz Aldrin et beaucoup d'autres.
Ce qui m'impressionne le plus dans cette série est la justesse des situations sociales, et plus généralement, comment sont dépeints les comportements des neuro-atypiques. À aucun moment il n'est fait mention d'autisme, de trouble de l'autisme ou de trouble du comportement (à l'exception du toc de Sheldon) : les comportements des uns et des autres sont "normaux". Les "excentricités" de chacun, y compris des neurotypiques, font partie de leur caractère et ne sont jamais présentées comme un défaut à corriger, mais comme des caractéristiques avec lesquelles tout le monde doit composer : le mutisme sélectif de Raj, les achats compulsifs de Penny, les contrats de Sheldon, etc.
C'est peut-être en cela que The Big Bang Theory est irréaliste : dans la "vraie" vie, les choses ne sont pas aussi simples, et les gens ne sont pas aussi inclusifs.
Néanmoins, le réalisme des situations reste saisissant. Les similitudes des dialogues de la série et ceux survenus dans ma propre vie sont troublantes, parfois au mot près, au point que le stéréotype en devienne occasionnellement effrayant.
Alors, par contre, pour apprécier la série, ne la regardez pas en VF. Navré pour les doubleurs français, mais ils font passer les protagonistes pour des lycéens demeurés. Ça change complètement le ton de la série dès les premiers instants. En outre, les dialogues jouent pas mal avec les mots, au point qu'il est parfois difficile d'en faire une bonne traduction orale : les sous-titres s'avèrent salvateurs dans pareille situation pour qui n'est pas familier des idiomes américains.
En bref, The Big Bang Theory est une série essentielle pour quiconque d'un peu sensibilisé à la "cause" des intellectuels, sans pour autant faire preuve de mépris envers les "gens normaux" (comme c'était par exemple le cas avec House, dans un autre genre). L'orientation sitcom lui sied parfaitement, sans pour autant dégouliner de bons sentiments. L'humour omniprésent laisse parfois la place à de profondes réflexions (notamment concernant le cas de Raj).