F3ID : Un sytème de coordonnées spatiales universel

Astronomie19 min de lecture
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Introduction

Et si une civilisation extraterrestre voulait nous indiquer, de manière précise et intelligible, l’emplacement de sa planète d’origine ? Serions-nous en mesure de comprendre son message ? Ou plus précisément : partagerions-nous un cadre de référence suffisamment universel pour localiser un astre sans ambiguïté, indépendamment des langages, des cartes et des traditions d’observation propres à chaque espèce ?

La question peut sembler abstraite ou purement théorique, mais elle ne l’est pas : elle concerne directement notre capacité à concevoir un langage spatial indépendant de toute convention culturelle. Elle touche à la fois à la communication interstellaire, à la représentation cartographique de l’univers et à la capacité qu’a une civilisation — quelle qu’elle soit — d’indexer l’espace d’une façon reproductible et partageable. Aujourd’hui, aucun système de coordonnées actuellement en usage sur Terre ne répond pleinement à ces critères.

Cet article propose une réponse possible : un système d’identification spatiale totalement indépendant de toute culture, de toute sémantique et de toute convention humaine. Un système fondé exclusivement sur les propriétés physiques et géométriques du cosmos observable, notamment l’anisotropie du fond diffus cosmologique.

Baptisé F3ID — pour Fractal 3D Identifier —, ce système repose sur une subdivision fractale de l’espace, orientée selon des propriétés mesurables par toute civilisation dotée d’une astronomie avancée. Il est compact, hiérarchique, univoque dans sa construction, et pourrait, en théorie, être compris par n’importe quelle intelligence technologique, où qu’elle soit située dans l’univers.

Mais avant de le présenter, il faut comprendre pourquoi nos outils actuels sont insuffisants.

Pourquoi avons-nous besoin d’un repérage universel ?

L’univers observable est vaste, mais ce n’est pas l’immensité des distances qui pose ici le plus grand défi. Ce qui complique la localisation d’un astre dans un message interstellaire, c’est l’absence d’un cadre partagé. Toute tentative d’indiquer une position repose aujourd’hui sur des conventions humaines : coordonnées galactiques fondées sur la Voie lactée, déclinaisons et ascensions droites calculées à partir du plan équatorial terrestre, ou encore noms hérités de mythologies variées. Ces systèmes fonctionnent bien pour l’usage interne de notre espèce. Mais ils deviennent inopérants dès qu’on sort de notre contexte.

Or, si l’on souhaite concevoir un protocole de communication interstellaire, ou simplement bâtir une représentation de l’espace que n’importe quelle civilisation pourrait interpréter, il faut un système de repérage qui ne repose sur aucune référence locale. Ni position terrestre, ni langue, ni carte connue.

Ce besoin ne se limite pas aux spéculations sur les civilisations extraterrestres. Il concerne aussi nos modèles de simulation, les bases de données astronomiques interopérables, et plus largement toutes les tentatives de penser l’univers comme un espace commun, intelligible sans condition préalable.

En somme, il nous faut un langage des positions qui ne suppose aucun langage.

Les systèmes de référence existants : utiles, mais humains

Avant d’envisager une alternative réellement universelle, il est utile d’examiner les outils dont nous disposons actuellement. Ils fonctionnent parfaitement dans le cadre de notre civilisation, mais révèlent leurs limites dès qu’on tente d’en faire des standards partagés au-delà de l’humanité.

Coordonnées galactiques et équatoriales

Les astronomes utilisent deux systèmes de coordonnées principaux pour localiser les objets célestes : le système équatorial et le système galactique.

Le premier est centré sur la Terre : il prolonge vers le ciel l’équateur terrestre et utilise la projection des pôles pour définir la déclinaison et l’ascension droite. Il est donc fondamentalement géocentré et temporellement instable : les coordonnées doivent être régulièrement ajustées pour compenser la précession des équinoxes.

Le second repose sur le plan galactique de la Voie lactée, avec le centre galactique comme point de référence. C’est un progrès en termes de portée, mais l’hypothèse implicite reste la même : celle d’un observateur situé dans cette galaxie, partageant la même cartographie de ses étoiles.

Aucune de ces deux grilles ne peut être considérée comme universelle : elles sont fondées sur des choix arbitraires, liés à notre localisation et à notre histoire d’observation.

Systèmes de noms (IAU, étoiles, exoplanètes…)

Le nommage des objets célestes obéit à d’autres logiques, tout aussi humaines. L’Union Astronomique Internationale (IAU) définit des conventions normalisées, souvent en fonction de la date ou du lieu de découverte, ou encore en conservant des appellations historiques.

Les exoplanètes, par exemple, sont nommées en ajoutant une lettre au nom de leur étoile hôte (souvent issue d’un catalogue humain comme HR ou Kepler). Ce système est fonctionnel pour les catalogues internes, mais totalement inutilisable dans une perspective inter-civilisationnelle.

Un observateur étranger ne connaîtra ni nos catalogues, ni nos constellations, ni même nos alphabets.

La carte des pulsars de Voyager : tentative partagée

L’un des rares exemples d’effort vers un langage spatial universel est la fameuse carte des pulsars gravée sur les sondes Voyager.

Elle représente la position du Soleil par rapport à quatorze pulsars milliseconde, indiqués par leurs périodes caractéristiques. Ces objets ont été choisis pour leur régularité exceptionnelle et leur distribution dans la galaxie.

Ce choix est pertinent, mais limité : il suppose une connaissance préalable des mêmes pulsars, mesurés à la même époque, et une interprétation correcte de notre système de représentation graphique. Le message reste intelligible, mais la possibilité de le décoder dépend de nombreux facteurs.

Limites de ces référentiels pour une communication interstellaire

Tous les systèmes décrits plus haut ont un point commun : ils présupposent une histoire partagée ou des conventions explicites.

Ils sont performants, précis, opérationnels dans notre cadre. Mais ils sont relatifs : à la Terre, à la Voie lactée, aux catalogues produits par notre espèce.

Ce sont des outils d’usage local. Ils ne constituent pas un langage spatial universel, au sens strict.

Pour cela, il faut s’appuyer non sur l’arbitraire, mais sur une structure commune à toute forme d’intelligence astronomiquement avancée.

Le fond diffus cosmologique comme repère commun

S’il faut trouver un point d’ancrage partagé par toutes les civilisations de l’univers, il ne peut être ni une étoile, ni une galaxie, ni un système particulier. Il faut s’éloigner des objets ponctuels pour s’appuyer sur une structure de fond, présente partout, dans toutes les directions, et mesurable avec suffisamment de précision.

Le fond diffus cosmologique — ou CMB, pour Cosmic Microwave Background — remplit exactement ce rôle.

Ce qu’est le CMB, et pourquoi il est universellement observable

Le CMB est le rayonnement fossile issu du Big Bang, observable aujourd’hui sous la forme d’un fond micro-onde à environ 2 725 K, avec des variations d’intensité de l’ordre de quelques millionièmes de degré.

Il est homogène à grande échelle, isotrope à première vue, mais il présente des anisotropies — des irrégularités de température — qui reflètent les conditions physiques de l’univers primordial. Ces fluctuations sont aujourd’hui mesurées avec une très grande précision grâce à des satellites comme COBE, WMAP ou Planck.

Ce rayonnement est présent dans toutes les directions du ciel et observable, en théorie, depuis n’importe quel point de l’univers. Il constitue donc le seul fond universellement partagé par toutes les formes d’intelligence capables de cartographier le ciel en micro-ondes.

Exploiter son anisotropie quadrupolaire pour définir un repère 3D

Parmi les irrégularités du CMB, certaines ont une portée géométrique exploitable. Le mode quadrupolaire (multipôle l = 2) correspond à une distribution de température présentant un schéma tridimensionnel identifiable.

Ce quadrupole peut être représenté sous forme d’un tenseur symétrique 3×3, dont les vecteurs propres permettent de définir un référentiel orthonormé :

  • Z est l’axe principal, correspondant à la direction d’écart maximal de température.
  • X est choisi parmi les deux autres vecteurs propres.
  • Y est défini par la règle du produit vectoriel : Y = Z × X.

Le résultat est un système de coordonnées tridimensionnel, stable, reproductible et indépendant de toute convention linguistique. Il repose uniquement sur des observations physiques et sur une définition mathématique universelle : la décomposition en valeurs propres d’un tenseur symétrique.

Ce repère fondé sur le CMB offre ainsi une orientation absolue : toutes les civilisations qui le mesurent, quel que soit leur emplacement ou leur époque, peuvent reconstruire le même axe spatial global, avec des écarts négligeables.

C’est à partir de ce repère que le système F3ID va construire sa structure de coordonnées.

Le F3ID : Fractal 3D Identifier

Principe général

Le système F3ID, pour Fractal 3D Identifier, repose sur une subdivision récursive de l’espace selon une logique strictement hiérarchique et géométrique. Chaque position est définie non par rapport à un objet central, mais par son emplacement dans un arbre fractal tridimensionnel, aligné sur le repère cosmologique défini par le fond diffus.

L’idée centrale est simple : à chaque niveau de subdivision, l’espace est découpé en un certain nombre de cubes de taille égale. À chaque cube correspond une position relative exprimée par trois coordonnées entières (x, y, z). Le système est donc discret, extensible à l’infini, et peut représenter des structures de plus en plus précises à mesure que le niveau augmente.

La subdivision est contrôlée par un paramètre unique, le DPN (Depth Per Node), qui indique combien de sous-divisions sont effectuées par axe à chaque niveau. Par exemple, un DPN de 2 donne une grille en octants — c’est-à-dire une division en 2³ = 8 sous-cubes par niveau, analogue à un octree en informatique.

Chaque entité spatiale (galaxie, système stellaire, planète) est ainsi définie par :

  • son niveau dans l’arborescence (profondeur fractale),
  • ses coordonnées à ce niveau (x, y, z),
  • et le DPN global utilisé dans l’univers concerné.

Ce modèle permet de désigner sans ambiguïté n’importe quel objet stable de l’univers observable, en partant d’une origine physique (le minimum d’anisotropie du CMB) et en suivant une structure géométrique uniforme.

Structure d’un identifiant

Un identifiant F3ID encode la position d’un objet dans l’univers en suivant un format hiérarchique compact. Chaque niveau de la structure spatiale — univers, galaxie, système stellaire, planète — est représenté explicitement, avec ses propres coordonnées fractales.

La structure complète s’écrit ainsi :

<universe>-<dpn>:<galaxy_level>-<galaxy_coords>:<system_level>-<system_coords>:<planet_index>

Chaque segment a une fonction précise :

  • universe : index de l’univers (utile dans une simulation multi-univers, ou pour compartimenter les données)
  • dpn : nombre de subdivisions par axe à chaque niveau (ex : 2 pour un octree)
  • galaxy_level : profondeur de subdivision pour localiser une galaxie
  • galaxy_coords : triplet (x, y, z) signé à ce niveau
  • system_level : profondeur supplémentaire pour localiser un système dans une galaxie
  • system_coords : nouveau triplet (x, y, z) relatif à ce niveau
  • planet_index : position ordinale de la planète dans le système (à partir de 1 ; 0 désigne le barycentre du système)

Cette structure est strictement positionnelle : chaque composant occupe une place définie dans la chaîne, ce qui permet une analyse automatique sans ambiguïté.

Les coordonnées (x, y, z) sont représentées sous forme de valeurs entières signées sur 1 octet (8 bits en complément à deux). En base hexadécimale, cela permet une forme abrégée, humaine et compacte, tout en restant décodable avec précision.

Ce système permet de désigner, en quelques octets seulement, la position exacte d’un astre dans l’univers, sans dépendre d’aucun nom, symbole ou point de référence arbitraire.

Exemple décimal et hexadécimal

Prenons un exemple concret d’identifiant F3ID, dans ses deux formes principales : décimale (plus lisible pour un humain) et hexadécimale (plus compacte, proche du format binaire utilisé en interne).

Forme décimale

01-2:4--2.4.1:9-0.7.5:3
Interprétation
  • 01-2 : univers numéro 1, subdivision par octree (DPN = 2)
  • 4--2.4.1 : niveau 4 dans la hiérarchie, coordonnées x = −2, y = 4, z = 1 → localisation de la galaxie
  • 9-0.7.5 : niveau 9, coordonnées x = 0, y = 7, z = 5 → localisation du système stellaire
  • 3 : troisième planète de ce système

Forme hexadécimale équivalente

01-02:04-FE0401:09-000705:03

Ici :

  • Les niveaux de subdivision sont codés sur deux chiffres (04 pour le niveau 4, 09 pour le niveau 9)
  • Les coordonnées sont encodées sur 3 octets : chaque axe est un entier signé sur 8 bits, exprimé en complément à deux :
    • FE = −2 (x)
    • 04 = 4 (y)
    • 01 = 1 (z)

Cette forme est pensée pour l’affichage humain ou la transmission compacte, mais le format de stockage interne conserve les valeurs entières brutes. Le choix de l’hexadécimal est ici purement utilitaire, pour sa compacité et sa clarté visuelle dans un contexte technique.

Quelle que soit la représentation choisie, la structure logique de l’identifiant est conservée : une hiérarchie de coordonnées strictes, entièrement dérivées de l’arborescence spatiale fractale.

Satellites naturels et structures artificielles

La structure du F3ID ne s’arrête pas aux planètes. Elle peut être étendue pour désigner des objets orbitant autour d’elles, qu’il s’agisse de satellites naturels (lunes) ou d’installations artificielles (stations, sondes, habitats).

Gestion des sous-objets : hiérarchie et contraintes physiques

L’extension d’un F3ID se fait par ajout d’un suffixe à l’identifiant de la planète concernée :

  • #n désigne un satellite naturel, trié par ordre de masse décroissante (#1 étant le plus massif).
  • !n désigne un objet artificiel, trié par ordre de construction local (!1 étant le premier mis en orbite).

Exemples :

  • ...:03#1 désigne le satellite naturel le plus massif de la troisième planète du système.
  • ...:03!2 désigne la deuxième structure artificielle en orbite autour de cette même planète.
  • ...:03#1!1 désigne la première structure artificielle placée en orbite autour de ce satellite naturel.

Cette hiérarchie est strictement limitée à deux niveaux :

  1. Une planète peut avoir des lunes.
  2. Une lune peut accueillir des objets artificiels.

Mais une lune ne peut pas avoir de lune. Ce choix n’est pas arbitraire : il reflète les contraintes dynamiques liées à la sphère de Hill, qui définit la région dans laquelle un corps peut exercer une attraction stable sur un autre. Dans la majorité des cas, une lune ne peut pas maintenir en orbite un satellite naturel sur le long terme.

La sphère de Hill et ses implications

La sphère de Hill définit, pour un corps donné, la limite au-delà de laquelle un objet gravitant autour de lui ne peut plus être considéré comme orbitalement stable, car l’influence gravitationnelle d’un autre corps — en général l’objet central (comme une planète ou une étoile) — devient prépondérante.

Dans le cas des satellites naturels, cette sphère est souvent extrêmement réduite. Une lune, même massive, orbite elle-même autour d’une planète bien plus massive, ce qui restreint fortement sa capacité à maintenir d’autres objets en orbite stable autour d’elle. En pratique, les lunes n’ont pas de lunes, car toute tentative naturelle de formation de sous-satellite serait instable sur le long terme. Les forces de marée et les perturbations gravitationnelles finiraient par éjecter ou précipiter le sous-satellite sur sa lune mère.

C’est pourquoi le F3ID interdit les identifiants du type #1#2 : ils représenteraient un satellite naturel d’un satellite naturel, ce qui n’est pas physiquement tenable.

Les objets artificiels, en revanche, ne sont pas contraints par les mêmes limites. Une station spatiale peut orbiter autour d’un petit satellite, même dans un environnement instable, tant qu’elle dispose de moyens de stabilisation active (propulsion, corrections orbitales, maintien inertiel, etc.).

Le F3ID autorise donc des identifiants tels que ...:03#1!2 — désignant par exemple la deuxième station artificielle orbitant autour du plus gros satellite de la troisième planète — mais interdit des formes comme ...:03#1#1, qui ne correspondent à aucune réalité physique stable connue.

Ce cadre simple garantit à la fois la plausibilité physique des hiérarchies orbitales et la clarté logique du système d’identifiants.

Un système réellement universel ?

Le F3ID repose sur un ensemble de principes qui visent à éliminer toute ambiguïté, toute convention locale et tout arbitraire culturel. Mais peut-on vraiment le qualifier d’universel ? À quelles conditions ce système pourrait-il être compris, reconstruit et utilisé par d’autres civilisations intelligentes ?

Conditions de reproductibilité

Trois éléments doivent être connus pour qu’un observateur puisse interpréter correctement un F3ID :

  1. Le point d’origine universel, situé au minimum d’anisotropie du fond diffus cosmologique. Il constitue la seule “origine absolue” dont on puisse raisonnablement postuler la connaissance commune.

  2. L’orientation des axes, dérivée des vecteurs propres du tenseur quadrupolaire du CMB. Ce repère est mathématiquement bien défini et physiquement observable depuis n’importe quelle position dans l’univers.

  3. Le facteur de subdivision DPN, qui est explicitement encodé dans chaque F3ID. Il définit le nombre de divisions par axe à chaque niveau de la hiérarchie spatiale. Le choix de DPN = 2 (division en octants) est utilisé ici comme exemple, car il offre un bon compromis entre simplicité, symétrie et efficacité. Toutefois, une autre civilisation pourrait très bien utiliser un DPN différent, tant que celui-ci est précisé dans l’identifiant : la logique du système reste inchangée.

Dès lors que ces trois conditions sont connues, le F3ID est entièrement reconstructible, et peut être interprété de façon identique par tout observateur disposant de l’outillage scientifique adéquat.

Avantages face aux référentiels humains

Contrairement aux systèmes actuels, le F3ID :

  • n’utilise aucun symbole linguistique ou culturel (noms propres, alphabets, constellations) ;
  • ne suppose aucun point de vue localisé, qu’il soit géocentrique ou galacto-centrique ;
  • est compact et entièrement hiérarchisé, ce qui facilite le tri, le stockage, la compression ou la transmission ;
  • repose exclusivement sur des structures physiques observables, ce qui le rend reproductible sans convention partagée préalable.

Cela en fait un outil particulièrement adapté aux contextes où la communication s’effectue sans langue commune, ou lorsqu’un système de positionnement doit être utilisable par des entités très différentes, dans le temps comme dans l’espace.

Limites et hypothèses

Le F3ID repose sur des principes physiquement fondés et mathématiquement rigoureux, mais son usage présuppose plusieurs capacités technologiques et certains choix de conception. Ces prérequis n’affaiblissent pas le modèle, mais ils en définissent clairement le domaine d’applicabilité.

Hypothèses instrumentales

Pour dériver un repère spatial à partir du fond diffus cosmologique, une civilisation doit être capable de :

  • Observer le ciel à l’échelle globale, dans le domaine des micro-ondes ;
  • Extraire les multipôles faibles du spectre des anisotropies du CMB, notamment le quadrupole (l = 2), ce qui suppose une sensibilité suffisante et une bonne résolution angulaire ;
  • Effectuer une décomposition tensorielle pour identifier les vecteurs propres de la carte thermique résultante.

Ces compétences impliquent une maîtrise avancée de l’astronomie d’observation, mais elles ne dépendent pas de la nature biologique, sociale ou cognitive de la civilisation concernée. Toute intelligence capable de construire des radiotélescopes orbitaux pourrait théoriquement y parvenir.

Hypothèses sur la stabilité du cosmos

Le F3ID suppose aussi une stabilité des structures physiques utilisées comme repères. Tant que le fond diffus reste observable et que ses anisotropies ne sont pas masquées ou altérées par d’autres phénomènes (expansion extrême, contamination locale, perte de transparence de l’univers), le système reste applicable.

Il est cependant probable que, dans un avenir cosmologique très lointain, certaines zones de l’univers deviennent inaccessibles à cette forme de repérage. Ce n’est pas un défaut du système, mais une limite physique imposée par l’évolution du cosmos lui-même.

Limites d’usage

Le F3ID est conçu pour des objets astronomiquement stables — galaxies, systèmes stellaires, planètes, lunes, stations. Il n’est pas adapté à des objets transitoires ou aux phénomènes non localisables de manière stable (vents stellaires, rayons cosmiques, trajectoires balistiques).

Il ne vise pas non plus à représenter des coordonnées dynamiques (comme un GPS galactique en temps réel), mais une identification structurelle, hiérarchique et statique.

Enfin, il ne remplace pas les systèmes de navigation ou de trajectographie : il les complète, en fournissant un langage spatial partagé, lisible sans interprétation contextuelle.

Potentiel d’application (cartographie, exploration, communication SETI)

Le F3ID, bien qu’imaginé comme une structure théorique, présente plusieurs cas d’usage concrets — ou au moins concevables — dans des domaines aussi variés que l’astronomie, l’astrophysique, la communication interstellaire ou les bases de données spatiales.

Un système de cartographie interopérable

Dans les grandes bases de données d’objets célestes, la question de l’identification unifiée se pose déjà. Les catalogues d’étoiles, d’exoplanètes ou de galaxies utilisent des conventions disparates, souvent redondantes, peu adaptées à une organisation géométrique universelle.

Le F3ID permettrait de regrouper, classer et indexer ces objets selon leur emplacement réel dans une structure hiérarchique, et non selon leur ordre de découverte ou leur nom d’origine. Il en résulterait une cartographie cohérente, indépendante des catalogues humains.

Un protocole de communication inter-civilisationnelle

Dans le cadre d’une hypothétique rencontre avec une intelligence extraterrestre, ou même d’une transmission passive de données entre civilisations, un système comme le F3ID pourrait jouer le rôle d’un langage spatial commun, compréhensible sans référence linguistique.

Il offrirait une méthode pour désigner des objets, des lieux, ou des zones d’intérêt sans ambiguïté, et sans passer par la lourdeur de descriptions graphiques ou symboliques. Il pourrait ainsi compléter les approches déjà tentées (comme la carte des pulsars de Voyager), mais avec une précision et une portée bien supérieures.

Un outil de simulation et de modélisation cosmologique

Dans les simulations à grande échelle — qu’il s’agisse d’astrophysique, d’informatique spatiale, ou de visualisation de données —, la structure fractale du F3ID facilite le partitionnement de l’espace, l’indexation rapide et la compatibilité entre systèmes.

Sa hiérarchie naturelle permettrait d’optimiser des moteurs de simulation, de synchroniser des bases distribuées ou d’identifier des objets dans un environnement partagé, même à très grande échelle.

En somme, le F3ID n’est pas qu’un exercice intellectuel : c’est une proposition réaliste de structuration de l’espace, qui peut servir dès aujourd’hui comme outil de réflexion, de standardisation ou de projection vers l’avenir.

Conclusion

Le F3ID est une tentative de concevoir un système de repérage spatial fondé non sur nos habitudes humaines, mais sur des propriétés physiques potentiellement accessibles à toute civilisation capable d’observer l’univers. Il ne prétend pas établir un standard définitif, mais proposer un cadre cohérent, rigoureux, et volontairement minimaliste pour penser l’espace hors de tout ancrage culturel.

Ce modèle présente naturellement des limites. La plus manifeste est l’absence de composante temporelle : le F3ID identifie des structures stables, mais il ne rend pas compte de la dynamique des objets célestes. Dans le cas des planètes, cette limite est partiellement contournée en les indexant selon leur position relative à leur étoile. Mais pour aller plus loin, une extension intégrant des horodatages ou des paramètres orbitaux sera nécessaire pour désigner des objets mobiles sans ambiguïté — tels que les systèmes stellaires, dont les coordonnées évoluent avec le temps du fait de leur mouvement orbital autour du centre galactique.

Autre limite majeure : sa représentation euclidienne de l’espace. En raisonnant sur une trame fractale cubique orientée selon un repère tri-orthogonal, le F3ID fait abstraction de la relativité générale et de la courbure de l’espace-temps. Ce n’est donc pas une théorie physique de l’espace — encore moins une prétention à le modéliser exhaustivement — mais une hypothèse de représentation partagée, fondée sur un repère observable (le CMB) et une structure de subdivision simple (le fractal cubique). Ce modèle ne prend pas encore en compte les effets de la relativité générale ni la courbure de l’espace-temps, non par désintérêt, mais par volonté de minimalisme initial. Il devra, à terme, évoluer pour s’ajuster aux contraintes physiques réelles, en particulier celles liées à la dynamique gravitationnelle à grande échelle.

En ce sens, le F3ID constitue une base de travail. Une piste spéculative, certes imparfaite, mais utile pour initier une réflexion sur ce que pourrait être une cartographie non anthropocentrée, construite non à partir de notre point de vue, mais à partir de ce que l’univers propose de commun.

Si cette idée mérite d’être contestée, c’est précisément parce qu’elle invite à dépasser les repères que nous avons toujours considérés comme évidents — et à interroger la façon dont nous pourrions un jour, peut-être, partager l’univers avec d’autres intelligences.