De nombreuses fleurs éclosent un peu partout dans mon jardin, exhibant une diversité de couleurs et de formes intéressantes.
Ces fleurs sont comme les étoiles : si communes que plus personne ne s’émerveille devant elles. Une beauté cachée aux yeux de tous, ignorée de la plupart, voire activement détruite au profit du conformisme ou de l’urbanisme.
Mon jardin offre un refuge à certaines de ces fleurs, probablement trop petites ou pas assez exotiques pour trouver grâce aux yeux des badauds. Visiblement belles, simplement parce qu’elles apportent des couleurs vives qui se démarquent sur le fond vert, elles le sont aussi à un niveau “invisible” : celui du microscope.
Dans le cadre de mon apprentissage de l’utilisation du microscope, j’ai décidé de leur consacrer une série d’articles, où j’exploite à chaque fois ce que j’ai appris entre deux observations.
Je m’intéresse aujourd’hui à Veronica persica, une petite fleur bleue commune.

Attribution : Richard Dern
Quelques Veronica persica dans leur environnement naturel
Ces premières observations ont été faites naïvement, sans technique particulière, dans un milieu sec. Cette remarque explique la faible profondeur de champ, matérialisée par les bandes floues à mesure que l’on s’éloigne du centre de la photo. Si j’avais employé un milieu approprié et recouvert la préparation avec une lamelle, l’échantillon aurait été plat, m’offrant une profondeur de champ plus uniforme.
Dans un premier temps, j’ai joué avec le diaphragme du microscope et la hauteur du condenseur.

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Cellules papillaires de l’épiderme supérieur
L’éclairage paraît insuffisant, probablement en raison d’une fermeture excessive du diaphragme, ce qui réduit l’intensité lumineuse, mais peut améliorer le contraste. À ce stade, il est judicieux d’expérimenter avec l’ouverture pour équilibrer lumière et contraste.

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Cellules papillaires de l’épiderme supérieur
Voyant que le résultat était un peu moins sombre et un peu plus flatteur, j’ai voulu voir si le résultat pouvait éventuellement être meilleur avec un rapprochement du condenseur.

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Cellules papillaires de l’épiderme supérieur
Mais, une lumière trop focalisée — du fait d’un condenseur placé trop près de l’échantillon — en utilisant un objectif de faible grossissement (ici, un 10x), provoque une image sur-exposée et une perte de lisibilité dans les zones éclairées. J’en ai déduit qu’en 10x, je devais garder mon condenseur relativement éloigné de l’échantillon, et plutôt intervenir sur l’ouverture du diaphragme.
En effet, la couleur du pétale change au point de ne plus être cohérente avec ce que l’on observe à l’échelle macroscopique : d’un bleu profond, on arrive à un violet pâle. En outre, on perd des détails, notamment dans les zones dans lesquelles les papilles sont en relief, car l’éclairage incident mal dirigé peut créer des ombres ou des réflexions excessives.

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Cellules papillaires de l’épiderme supérieur. Des oeufs sont visibles sur la droite - probablement de diptères ou de lépidoptères.
Jouer avec la lumière et le contraste permet de mettre en évidence des éléments particuliers. Ainsi, ici, nous pouvons voir ce qui semble être quelques œufs d’insectes, peut-être pondus par un diptère ou un lépidoptère, qui apparaissent plus sombres que le pétale sur lequel ils ont été déposés.

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Oeuf pondu en périphérie du pétale
À l’inverse, on peut voir sur cette photo un œuf pondu en périphérie du pétale. Les réglages du diaphragme et d’un masque de lumière “illumine” l’œuf, le faisant apparaitre blanc jaunâtre, pratiquement sa couleur naturelle.
Notons le halo lumineux et coloré autour de l’œuf : il est justement dû au masque que j’ai employé. Nous verrons dans un article ultérieur que l’usage de masques de lumière offre des perspectives intéressantes, mais ils peuvent aussi provoquer des aberrations chromatiques, comme c’est le cas ici. Il s’agit probablement d’une diffraction colorée, ou d’un artefact optique lié à une orientation asymétrique de la source lumineuse, provoquée par le masque utilisé. Ces effets peuvent se révéler esthétiques ou problématiques, selon l’objectif poursuivi.

Attribution : Richard Dern
Halo lumineux causé par un masque de lumière
Sur cette photo, l’aberration chromatique causée par le masque employé est bien visible en bas au centre. Le masque permet néanmoins de mettre en évidence le relief des papilles, quoiqu’à ce grossissement (toujours 10x), on ne rend pas encore compte de leur forme exacte.

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Un oeuf, plus ou moins rendu transparent par sa hauteur par rapport à la surface du pétale
Enfin, la hauteur de la platine joue également un rôle important, permettant de masquer certains éléments - de façon plus ou moins réussie, je vous l’accorde volontiers… Ici, on peut voir une tache sombre au centre et légèrement sur la droite : c’est encore un œuf.

Attribution : Richard Dern
Répartition des anthocyanes

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Répartition des anthocyanes
Sur ces deux photos, j’ai cherché à mettre en évidence des changements dans la pigmentation du pétale. On voit clairement ici la forte amplitude de concentration en pigments d’une cellule à l’autre, alors même qu’elles sont voisines : certaines sont presque transparentes, tandis que les autres peuvent être d’un bleu particulièrement profond.

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Répartition des anthocyanes au bord du pétale
Il est probable que la densité en anthocyanes augmente vers les marges du pétale, mais cela peut aussi refléter une variation de l’épaisseur ou de la superposition cellulaire. Je n’ai pas changé mes réglages par rapport aux deux photos précédentes, uniquement la position de la lame sous l’objectif, ce qui témoigne de la profondeur et de la richesse des couleurs observables dans la Nature.

Attribution : Richard Dern
Cellules papillaires de l’épiderme supérieur (objectif 40x)

Attribution : Richard Dern
Cellules papillaires de l’épiderme supérieur (objectif 40x)

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Cellules papillaires de l’épiderme supérieur (objectif 40x)

Attribution : Richard Dern
Cellules papillaires de l’épiderme supérieur (objectif 40x)
En passant à l’objectif 40x, il devient beaucoup plus difficile d’observer un échantillon brut dans un milieu sec. Les défauts de planéité de l’échantillon sont punitifs à ce grossissement.
On peut toutefois observer l’aspect cotonneux des papilles, et finalement, leur forme réelle. La dernière photo, bien qu’elle soit “ratée” sur bien des aspects, montre la forme oblongue, étirée vers le haut, de ces cellules.
Note technique : les papilles épidermiques observées sur les pétales sont des cellules en relief dont la forme et la pigmentation influencent fortement la perception visuelle de la couleur. Leur structure conique peut amplifier la réflexion de la lumière, rendant les couleurs plus vives.
Cette “première” séance d’observation de fleurs de mon jardin met en évidence que travailler dans un milieu sec n’est pas sans inconvénient. S’il peut offrir des perspectives intéressantes où l’on peut jouer avec la profondeur de champ pour obtenir divers effets visuels, il ne convient pas pour une observation purement descriptive.
Je me réjouis, en revanche, de commencer à voir, comprendre et surtout ressentir les effets du diaphragme, de la hauteur du condenseur, et de l’usage de masques. L’observation de cette Veronica est la première que considère comme “attentive”, mais ce n’est pas strictement ma première observation. Et je constate qu’à mesure d’expérimenter avec la lumière, je commence à anticiper ce que mes réglages vont produire.
C’est tout l’avantage de disposer d’un sujet fixe, et d’objectifs fixes. C’est exactement ce qui me faisait défaut en photographie, et qui m’empêchait de comprendre comment régler mon appareil pour obtenir de bons résultats : le manque de reproductibilité dû aux mouvements du sujet ou les miens, empêchant une comparaison éclairée entre clichés et donc entre réglages.
Je dois maintenant m’exercer à préparer convenablement mes lames, en employant un véritable milieu approprié. L’enthousiasme des premiers jours en compagnie de mon microscope s’est un peu calmé, et peut désormais laisser plus de place à l’attention due aux préparations. Cela devrait me permettre de corriger un certain nombre de défauts visuels manifestes sur cette série de photos, en particulier le flou.
Mais cela n’arrivera que si j’arrive à contrôler un autre enthousiasme, celui de produire et jouer avec les masques de lumière…